8e séance du séminaire,
20 novembre 2024
ENSA Strasbourg, salle 601
Le séminaire poursuit les investigations sur l’apport d’une lecture historique et patrimoniale à la construction de projets urbanistiques, élargissant le regard à l’échelle territoriale. Les transformations profondes des campagnes par les infrastructures de mobilité, l’industrialisation de l’agriculture et l’exode urbain, ont bouleversé les équilibres entre espaces urbains et ruraux depuis le milieu du XIXe siècle. La lecture historique de ces territoires a permis de prendre en compte leurs richesses patrimoniales comme éléments clé pour de nouveaux projets en phase avec les changements sociétaux et environnementaux.
La notion de patrimoine, dans certaines déclinaisons proposées par la recherche en urbanisme, encourage l’action planificatrice à prendre en compte la construction d’un territoire dans sa profondeur historique : la connaissance des processus de territorialisation et de ses acteurs, mais également d’éléments disparus ou en voie de disparition, peut constituer un point de départ pour le projet qui s’enracine ainsi dans la mémoire du lieu et renforce son identité, tout en favorisant son acceptation sociale.
Le patrimoine prend alors une dimension active, articulant l’héritage avec l’avenir, pour transformer les territoires souvent vulnérables en territoires résilients. L’approche « biographique » s’élargit à la notion de paysage comme élément fédérateur qui donne à voir à la fois l’évolution des caractéristiques écologiques et topographiques des territoires et les processus que, sur le temps long, ont façonné leur histoire sociale et économique.
Cet élargissement de la notion de patrimoine, constitué de différents héritages (naturel, culturel, agricole) et fortement relié à la dimension paysagère des territoires, est en train de devenir un levier pour repenser la planification territoriale, notamment des espaces peu denses.
MERCREDI 20 NOVEMBRE, À PARTIR DE 9H00
Modérateur
Thomas Renard
Nantes Université
Introduction
Angelo BERTONI
ENSA Strasbourg, Chaire Mobilités Territoires Projets
Romeo FARINELLA
Université de Ferrare
L’eau comme patrimoine. Les deltas fluviaux comme territoires de transition entre patrimoine, risque et urbanisation
Les relations entre l’eau et les villes constituent aujourd’hui un enjeu majeur pour la recherche en urbanisme, confrontée aux problématiques du changement climatique, de la résilience et des inégalités sociales, non seulement en Europe, mais aussi dans les pays du Sud où ces problèmes deviennent extrêmes. L’importance du patrimoine architectural, urbain et naturel constitue un terme de référence pour les politiques urbaines et paysagères orientées vers la régénération de ces territoires sensibles en expérimentant des approches orientées vers l’étude de site based solution conçu comme une évolution du concept de nature based solution. Ce sujet est illustré à travers une comparaison de deux territoires de delta confrontés à des processus d’érosion côtière préoccupants : l’un en Europe (le delta du Pô) et l’autre en Afrique (le delta du fleuve Sénégal) où se trouvent deux petites villes historiques (Comacchio et Saint Louis du Sénégal), mais aussi des parcs naturels.
Après une définition préliminaire de la problématique, seront présentes des expériences de research-by-design réalisées en collaboration avec l’Université Gaston Berger (Saint Louis du Sénégal) et axées sur le développement de stratégies de régénération urbaine et paysagère. Le patrimoine a été pris en compte non seulement en termes de conservation, mais aussi de préfiguration pour l’établissement d’un projet contemporain fondé sur une conscience réflexive du palimpseste territorial et urbain.
Edwige GARNIER
Université de Limoges
Dynamiques territoriales au sein des espaces peu denses et enjeux patrimoniaux : la redynamisation des centres-bourgs en question
Les territoires ne correspondent absolument pas à des donnés figés et immuables. Ils sont traversés par de multiples dynamiques sociales, économiques, sur fond d’enjeux environnementaux grandissant, qui les font évoluer dans leurs formes et dans leur signification ou leur rôle. Les projets de développement ou les projets territoriaux en sont un indicateur. Les patrimoines en présence sont, dans ce cadre, perçus comme une ancre mais aussi un pont utile entre passé, présent et futur souhaité. Ils participent à la construction des récits sur les territoires, contribuant à la structuration de leur image, de leur identité, d’où l’Intérêt qui leur est accordé notamment pour jouer sur le volet de l’attractivité.
Ils peuvent dans le même temps faire figure de freins, renvoyer à des logiques conservatrices, voire passéistes, gênant les projets. L’intervention vise ainsi à présenter un cadre théorique de réflexion autour des relations entre territoire, patrimoine et identité, en lien avec la définition de projets de territoire. D’un point de vue plus concret, plusieurs exemples seront mobilisés, le plus souvent puisés dans les territoires limousins, pour illustrer le propos. Les projets de redynamisation des centres-bourgs au sein des territoires peu denses seront plus spécifiquement abordés, questionnant les enjeux liés au patrimoine bâti (mais pas seulement). Un équilibre apparait ici à trouver entre préservation du patrimoine et adaptations nécessaires face aux attentes des populations s’installant et vivant dans ces communes.
Arnaud DE LAJARTRE
Université d’Angers
La protection par les planifications urbaines des paysages de l’industrie : patrimonialisation et projet mémoriel du territoire dans les Pays de la Loire.
Si le patrimoine industriel est longtemps resté un angle mort des outils de protection des patrimoines, il bénéficie désormais d’une attention accrue de l’État comme des collectivités territoriales. Les pouvoirs publics actionnent en effet de nombreux outils juridiques afin de conserver cet héritage industriel des territoires : monuments historiques, sites patrimoniaux remarquables (SPR), mais aussi, de plusen plus, protections offertes par la planification urbaine au travers de ce que l’on appelle parfois le plan local d’urbanisme (PLU) patrimonial. A travers leur mobilisation, se construit un nouveau récit patrimonial, hybridant projet territorial et passé industriel. Néanmoins, lorsqu’il ne s’agit pas de protéger des sites industriels entiers comme les bassins miniers du Nord-Pas de Calais, la protection vise avant tout des immeubles isolés par les phases successives de transformation de la ville. A ce titre, les pouvoirs publics peinent à saisir par leurs outils de protection (en particulier les SPR et les PLU patrimoniaux) les paysages de l’industrie, au sens d’un ensemble d’éléments allant de l’usine aux logements. Néanmoins la présence d’un seul marqueur industriel monumental dans un paysage, défini par la Convention européenne sur le paysage comme un portion de territoire « perçue par les populations », pose la question de la capacité d’un bâtiment isolé à donner son identité à tout un paysage (de la commune ou du quartier), ainsi que celle de leurs habitants à exiger des pouvoirs publics que cet héritage industriel soit préservé de la rénovation urbaine
MERCREDI 20 NOVEMBRE, À PARTIR DE 14H
Angelo Bertoni
ENSA de Strasbourg
Modération
Aurélie WISSER
Parc naturel régional des Vosges du Nord
Faire vivre le patrimoine bâti, un engagement pour le territoire des Vosges du Nord
Le patrimoine bâti est le reflet du lien entre l’homme et son territoire. Il est aujourd’hui menacé par des interventions qui le « banalise » et par l’utilisation de techniques constructives inadaptées. Faire vivre le patrimoine bâti est devenu une mission complexe, qui nécessite également la prise en considération d’enjeux dépassant les questions purement techniques : coût, attractivité et image de l’ancien, complexité de la mise en oeuvre et manque de savoir-faire spécifiques. Dans la prochaine décennie, le patrimoine bâti sera soumis à des pressions importantes. Il risque de disparaître au profit de la création de surface foncière, dérives observées et à anticiper dès aujourd’hui dans le cadre de l’objectif du Zéro Artificialisation Nette.
Depuis 2004, le Parc a mis en oeuvre une politique mutualisée entre plusieurs Communautés de Communes du territoire. Appelée « Mut’archi », l’objectif est de mieux préserver et valoriser les caractéristiques de l’architecture traditionnelle locale en accompagnant les projets, en développant l’activité économique et en développant la connaissance autour du patrimoine bâti. L’ensemble de la mission s’articule autour d’une thématique forte : l’éco-rénovation.
Les interventions permettent d’accompagner des projets multiples qui répondent à des orientations définies en fonction des attentes et des priorités de chaque intercommunalité : inventaire, information, sensibilisation, assistance-conseil aux porteurs de projet, reconnexion des acteurs de la filière liée à la valorisation des patrimoines bâtis (artisans, architectes, services instructeurs) et l’adaptation à de nouveaux usages.
Loin d’être une préoccupation passéiste, la mise en valeur du patrimoine rural bâti est la condition première d’un aménagement respectueux des traditions régionales et un puissant levier de la dynamique économique et touristique.
François NOWAKOWSKI
ENSA de Strasbourg
La biorégion en projet(s). Projeter pour révéler les ressources d’un territoire ?
Cette intervention va nous permettre d’interroger les différentes manières à travers lesquelles une démarche de projet contribue à développer une connaissance et une compréhension des ressources d’un territoire. Nous questionnerons la capacité de ces projections à avoir des effets concrets et identifiables sur les manières dont les acteurs peuvent envisager le futur de leur territoire en s’appuyant sur ses héritages. Cette réflexion sera menée à partir du cas concret d’un enseignement mené au sein de l’ENSA de Lyon, l’atelier « Stratégies pour la biorégion », qui s’est attaché à explorer durant trois années (de 2017 à 2019) une vallée ardéchoise en interrogeant les concepts issus de la pensée biorégionaliste. Les trois sessions de cet atelier semestriel ont permis aux étudiant·es de développer des propositions d’interventions situées contribuant, chacune, à esquisser les contours d’un projet biorégional pour et avec le territoire. L’intervention reviendra en particulier sur les articulations entre une démarche pédagogique située, les propositions imaginées par les étudiant·es et l’appropriation de celles-ci par les acteurs du territoire.
Thomas RENARD
Nantes iniversité
Discussion. Patrimoine et urbanisme, les enjeux d’une approche à l’échelle territoriale







